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1 décembre 2009 2 01 /12 /décembre /2009 14:26

René Madec nait le 27 février 1736 à Quimper. Il est le huitième enfant de François Madec et Marie Corentin Mélin. Son père est à la fois maître maçon et maître d’école tandis que sa mère tient une petite auberge.


On sait peu de choses de son enfance qui se passe à Quimper et tout au plus peut-on imaginer que le jeune garçon rêve d’aventures en mer, cette mer si bleue qu’il voit chaque jour.


Mais au XIX° siècle l’enfance ne dure pas longtemps. Son père décide que son fils sera marin et à 9 ans il effectue son premier voyage en bateau sur un caboteur bordelais qui transporte du vin. Il sera ainsi absent 4 mois.


Son père l’oblige, à son retour, à suivre des cours d’hydrographie et de navigation ; il espère que son fils pourra un jour intégrer, comme officier, la Bataillon de l’Orient et de la Compagnie des Indes. Mais le jeune Madec n’est guère attiré par ces cours et rêve de partir loin de sa famille et de vivre sa vie.


Il n’a que 11 ans lorsqu’il fait son deuxième grand voyage à bord de "La Valeur", un bateau négrier qui transportera des esclaves du Sénégal à St-Domingue.


A 15 ans (nous sommes en 1750), il s’embarque, sans prévenir ses parents, sur "l’Auguste" pour un long voyage de 6 mois qui le mènera de Lorient à Pondichéry.


René est subjugué par ce qu’il voit à Pondichéry, l’ambiance qui règne dans ce comptoir français. Il s’habitue facilement à la foule et apprécie la gentillesse des tamouls.  Il est impressionné par la demeure de Dupleix.

Il rentre à Quimper mais n’y restera que 8 mois. Il ne pense qu’à une chose, retourner sur la côte de Coromandel.


En 1752, il s’embarque sur « Le Lys » et retrouve Pondichéry. Il s’engage comme cadet dans les troupes de Dupleix. Nous avions évoqué la situation des comptoirs français à cette époque dans l’article consacré à Dupleix ; nous sommes juste avant la révocation de Dupleix (1754) et Dupleix multiplie coups de force et intrigues pour prendre le pas sur les anglais.


René Madec découvre la guerre ; il participera au siège de Madras (Chennai) et sera fait prisonnier. Plutôt que  d’espérer une évasion incertaine, Madec accepte de s’enrôler dans les troupes anglaises et est envoyé au nord-est de l’Inde. Mais quelques mois plus tard, il « file à l’anglaise » et s’engage comme mercenaire à la solde du prince Shuja, d’origine persane. Madec découvre la ville sainte de Bénarès.


Très marqué par les traditions et coutumes locales, il porte la tenue traditionnelle composée d'une longue tunique, d'un pantalon bouffant et d'un turban. Au contact des Indiens il apprend leur langue.


A 28 ans, Madec devient un véritable chef de guerre. Il constitue une armée de 1.500 combattants dont une centaine d'Européens. La fortune commence à sourire au jeune Breton qui, quelques mois plus tard, se marie avec Marie-Anne Barbette, la fille d'un des conseillers du prince Shuja.


La jeune mariée, une Créole, n'a que 13 ans. Les noces sont célébrées avec beaucoup de faste comme l'a écrit Madec lui-même. "Tous les grands du pays m'accompagnaient. Une populace innombrable suivait le cortège. Je fermais la marche passant entre deux haies de feux d'artifice et d'illuminations, vêtu d'une magnifique robe d'argent". Ces festivités, qui entraîneront des dépenses somptuaires, dureront une semaine.

En 1767, la jeune Marie-Anne met au monde une fille qui meurt peu de temps après. Ensuite Madec rejoint les Jats en guerre contre les Rajputs dans la région d'Agra. Il reforme ses troupes et achète des éléphants. Ses victoires lui vaudront d'être récompensé en monnaie sonnante et trébuchante, en diamants et en étoffe d'or et d'argent. Il rachètera et fera entièrement restaurer un palais à Bharatpur où il s'installera avec sa femme et Balthazar, son fils âgé de quelques mois.


A la suite d'une bataille contre les Marathes il obtient le titre de Panchazari, titre qui donne le droit de porter timbales sur un éléphant et d'avoir 14 chevaux portant trompettes.

A 33 ans, Madec est à la tête d'une fortune colossale. Il envisage alors de revenir en France pour poursuivre une carrière militaire. Les événements viendront perturber ses plans.

A la demande du gouverneur français de Chandernagor qui veut sceller des alliances avec les princes indiens pour chasser les Anglais du Bengale, il se retrouve combattant pour le compte de Shah Alam, empereur des Mogols. Pour le récompenser de ses exploits militaires, l'empereur le fait nabab.


Madec s'installe à Delhi et se retrouve à la tête d'une forte armée de 6.000 hommes. "Dans cet état, je pensais à la misère passée et me félicitais de m'être fait moi-même ce que je suis dans ce pays-ci" écrira-t-il bien plus tard.


Madec a parfaitement conscience du pouvoir qu'il a acquis : "Il n'y a aucun prince ou seigneur puissant de l'Hindustan qui ne recherche mon amitié ou qui ne craigne mes ressentiments".

Le Quimpérois et sa famille s'installeront à Haidarabad, puis rejoindront Pondichéry. Le nabab quimpérois est las de cette vie trépidante. Il n'a qu'une envie : rentrer en France. Encore une fois, ses projets seront contredits par de nouvelles offensives anglaises : le blocus et le siège de Pondichéry qui dureront 70 jours.


Le 11 janvier 1779, enfin, Madec embarque à bord du "Brisson" qui met le cap sur l'île Maurice où il doit faire escale. Ses bagages se résument à 8 caisses et "quelques autres objets". Au large de l'Espagne le bateau sera abordé par des corsaires anglais. Madec sera retenu captif pendant 2 mois en Irlande. De là, il regagnera Lorient puis Versailles où il remettra au gouvernement le rapport du siège de Pondichéry rédigé par le gouverneur Bellecombe. Madec y apprendra que, depuis le 1er janvier 1777, il a été promu colonel et qu'il a été décoré de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis.


L'aventurier breton fait figure d'intrus à Versailles où sa rudesse et sa tenue vestimentaire choquent les manières des courtisans. Pourtant le nabab quimpérois aura l'honneur d'être reçu par Louis XVI en personne.


Madec rentrera à Quimper où il possédait un hôtel particulier. A 45 ans il sera anobli et achètera deux domaines : ceux de Coatfao et de Prat-an-Ratz où il fera construire un beau manoir.

En 1782 Marie-Anne lui donnera une troisième fille. En 1784, considérablement affaibli par le paludisme, et victime d'une chute de cheval, il est emporté au printemps par la gangrène. Sa femme vécut à Quimper jusqu'à sa mort en 1841.


A la fin de ses jours, l'ancien gamin qui rêvait d'aventure se promenait à cheval le long de l'Odet, revêtu de son costume de colonel, suivi de près par un esclave portant le costume traditionnel mogohl.

 

En 1982, Irène Frain publiera un livre, « le nabab », retraçant la vie de René Madec. En 1987, Jean Coué sortira un livre sur le même sujet « Le Nabab du Grand Mogohl ».

 

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2 novembre 2009 1 02 /11 /novembre /2009 14:45

A la suite de notre article sur Victor Jacquemont, nous avons reçu un mail de l’un des descendants de la famille Jacquemont.

Nous avions déjà reçu un mail d’un descendant du Général Jean-François Allard ainsi qu’une lettre d’une descendante de Louis Bonvin sur lequel nous avions écrit un article.

Le descendant de la famille Jacquemont nous signale une première erreur sur la date du décès de Victor qui est le 8 décembre 1832 et non le 7 novembre 1832.

Par ailleurs, l’abondance du prénom Porphyre dans la généalogie Jacquemont est à l’origine d’une autre erreur.

Le tableau de Claude Monet que nous avions reproduit ne représente pas Victor Jacquemont mais Porphyre Victor Jacquemont, le fils de Joseph Frédéric Eulalie Jacquemont (1799 -1844, ancien Consul Général de France à Port-au-Prince). Porphyre Victor Jacquemont (1841 – 1906) fut sous-préfet et Secrétaire Général de la Nièvre et c’est lui qui était un ami d’enfance de Claude Monet qui en fit le portrait, portrait dont le nom original semble être « l’homme au parasol).

Nous avons bien entendu rectifié ces erreurs.

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13 octobre 2009 2 13 /10 /octobre /2009 09:23

Victor rencontrera Ranjit Singh et il relatera ces rencontres. Pour nous cela est tout à fait précieux car les français de Lahore (dont le Général Allard) qui connaissaient si bien Ranjit Singh n’ont pas écrit sur lui.

Voici donc un extrait d’une lettre de Victor à son père :


« J'ai passé plusieurs fois une couple d'heures à causer avec Runjet de oinni re scibili et quibusdam aliis. C'est un cauchemar que sa conversation.
Il est à peu près le premier Indien curieux que j'aie vu ; mais il paie de curiosité pour l'apathie de toute sa nation. Il m'a fait cent mille questions sur l'Inde, les Anglais, l'Europe, Bonaparte, ce monde-ci en général et l'autre, l'enfer et le paradis, l'âme, Dieu, le diable et mille autres choses encore. Il est, comme tous les gens de qualité dans l'Orient, malade imaginaire ; et comme il a une troupe nombreuse des plus jolies filles de Cachemyr, et le moyen de payer un meilleur dîner que qui que ce soit en ce pays, il se vexe singulièrement de ne pouvoir boire comme un poisson sans s'enivrer, et de ne pouvoir manger comme un éléphant sans étouffer.

Les femmes ne lui plaisent plus maintenant que comme les fleurs de son parterre, et pour cause, —et c'est là le plus cruel de tous ses maux. Il a eu la décence d'appeler digestives les fonctions qu'il se plaint d'être si faibles chez lui.
Mais je savais ce que veut dire estomac à Lahore de la bouche du roi, et nous avons causé a fond de son mal, à mots couverts de part et d'autre ».




 

La maladie et la mort de Victor


Se sachant très malade, il prépare soigneusement l'expédition de son travail au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris. Il est hospitalisé à l'hôpital militaire de Bombay où lui est diagnostiqué une infection amibienne du foie. Il s'éteint le 7 décembre 1832, à l'âge de 31 ans, après avoir écrit ses dernières volontés et fait une remarquable lettre d’adieu à son frère Porphyre, et à son père.


Toutes les caisses qu’il avait soigneusement préparées sont expédiées au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris où elles arrivèrent dans le milieu de l’année 1833. Ces caisses contenant 5800 pièces d’herbier, le catalogue avec la description sommaire mais déjà fort précise, de nombreux échantillons de roches, des animaux naturalisés… Sans la mobilisation de ses amis entraînés par Jussieu et surtout Mérimée qui débutait en politique et dans le journalisme et son frère Porphyre, ce travail serait resté oublié. Dans un premier temps Cambessèdes, puis Decaisnes ont accepté d’étudier les pièces d’herbier ainsi que les notes et de faire une publication à partir de celui-ci. La publication se fera en 1844 dans un grand ouvrage édité par Monsieur Guizot alors Ministre de l’Education Nationale, comprenant le Journal de Voyage de Victor Jacquemont et les croquis, notes et cartes de celui-ci ainsi que les 183 plantes décrites à partir des 5800 pièces d’herbier par Cambessèdes et Decaisnes.
«
Sur les 183 espèces de plantes décrites par Jacquemont, 41 seulement étaient déjà connues et onze genres nouveaux y sont établis. »

Il est fort probable que le travail de collecte n’a pas été intégralement exploité pour des raisons diverses, dont le peu d’intérêt personnel qu’avaient ces grands personnages à se consacrer à un ami mort alors qu’ils avaient leurs propres travaux à mener. Outre la découverte, la description et l’identification de nombreuses espèces nouvelles, Victor Jacquemont avait été l’un des premiers à décrire les associations de végétaux et à reconnaître l’utilisation par les populations indigènes de ces végétaux pour un usage domestique et nutritionnels. Le professeur J-L. Leroy qui a publié une excellente étude en 1954 en fait un des précurseurs de l’ethnobotanique. Son herbier fut ensuite incorporé à l’Herbier du Muséum et au hasard des échanges et des études qui sont régulièrement menées, les plantes ont été nommées à partir des collectes de Victor Jacquemont. Parmi les dernières en date, en 1924, le Vitis jacquemontii par Parker.


Le destin et la célébrité posthume de Victor Jacquemont furent dans un premier temps ceux d’un écrivain avec la publication de sa Correspondance en deux volumes qui devint un immense succès d’édition, puisqu’il fut rapidement copié en Belgique et de nombreuses fois réédité. La dernière édition date de 1867, toujours grâce à la fidélité de Mérimée à la mémoire de Victor Jacquemont qui avait fortement impressionné celui-ci par sa personnalité.


La lecture de la Correspondance de Jacquemont nous a fait connaître un personnage extrêmement attachant, très intelligent, critique, sensible, cultivé, sarcastique… humain. Si on ne peut plus espérer de découvertes particulières de l’exploitation du travail de Victor Jacquemont, qu’au moins sa mémoire nous reste. A côté de tous les grands noms inscrits à jamais dans l’histoire de la Connaissance des plantes et de la découverte de notre planète, celui de Victor Jacquemont mérite une place particulière.


Le neveu de Victor, Porphyre Victor Jacquemont était un ami d’enfance de Claude Monet et le grand peintre (né l’année de la mort de Victor) a peint vers 1868 ce tableau « L'homme au parasol » qui est exposé à la Kunsthaus de Zurich.


La République décide le retour du corps de Victor Jacquemont en 1881.

Celui-ci fut exhumé de Bombay et ramené en France par le Yang-Tse. Son inhumation aura lieu quelques années plus tard dans une crypte proche de la Galerie de Zoologie du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris.


Une rue de Paris  porte son nom ainsi qu'une place dans la ville de Tours.

Son buste est érigé au square Boucher-Cadart à Hesdin, la ville berceau de sa famille. Il est également représenté en statue sur la façade sud de l’Hôtel de Ville de Paris avec les grands personnages dont la France est fière… et puis ce fut l’oubli. Sans l’intérêt des Stendhaliens à la correspondance entre Victor Jacquemont et Stendhal, Monsieur Maes n’aurait publié dans les années 1930 la remarquable biographie de Victor Jacquemont. Le Muséum d’Histoire Naturelle, chargé de sa mémoire a  toutefois édité une riche monographie en 1959.



Sources

Jean Théodoridês : Revue d’histoire des sciences et de leurs applications – année 1961, et « Stendhal du coté de la science »

Correspondance inédite de V Jacquemont avec sa famille et ses amis 1824-1832

« Victor Jacquemont et l’exploration de l’Inde et de l’Ouest de l’Himalaya », Jean-Claude Marzec

« Quelques aspects de l’esthétique rossinienne chez Stendhal et Balzac », communication de Liliane Lascoux

Revue de Paris, Tome 56°, année 1835

 


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11 octobre 2009 7 11 /10 /octobre /2009 09:15

Nous disposons de beaucoup d’écrits sur cette période Punjab du voyage de Victor.

 

Tout d’abord il y a cette lettre que Jacquemont écrira le 25 avril 1832 au Gouverneur de Pondichéry, M de Meslay (ou de Melay). Dans cette lettre, Victor Jacquemont fait les éloges du Général Jean-François Allard.

 

« Un sentiment de reconnaissance personnelle et de justice nationale me fait prendre la plume pour vous entretenir d'un compatriote que j'ai trouvé dans une des contrées les plus reculées de l'Inde, où, depuis dix ans, il honore le nom français, et pour solliciter en sa faveur les grâces du gouvernement.

Quelque éloigné que vous soyez, à Pondichéry, de la métropole politique de l'Inde, le nom de M. Allard, j'en suis persuadé, n’a pu vous rester inconnu. M. Allard est cet officier français qui, en 1821, parut à la cour de Lahore, et y reçut du maharadjah Rundjet- Singh le commandement en chef d'une portion considérable des armées sykes, pour les former à la discipline européenne. Depuis dix ans, il remplit ce haut commandement. Son arrivée dans le Pundjâb, l'élévation du poste qu'il y obtint aussitôt, l'influence qu'il y acquit près du maharadjah, furent vues d'abord avec quelque jalousie par le gouvernement anglais, car Rundjet-Singh était dans l'Inde le seul pouvoir qui fût resté debout devant l'empire anglais. Il était le roi parvenu et populaire d'un peuple nouveau, nombreux, fanatique et guerrier. Les souvenirs de la longue et funeste animosité qui avait divisé la France et l'Angleterre n'étaient pas encore oubliés ; M. Allard avait apporté à Lahore le drapeau tricolore, il instruisait à la discipline de nos armées les troupes, jusque- là sans ordre, de Rundjet-Singh. Il réussissait avec un art merveilleux à les y former, à faire obéir ces hordes barbares aux paroles de commandement françaises ; sans doute le cabinet de Calcutta ne le croyait pas venu à Lahore dans des vues amies de la puissance anglaise. Cependant, depuis cette époque; Rundjet-Singh, dont l'alliance avec les Anglais leur paraissait toujours si équivoque, s'est montré religieusement fidèle aux traités qui déterminent les droits des deux empires. Le surcroît de puissance militaire qu'il doit aux services de M. Allard et des autres officiers français, venus depuis dans le Pundjâb, le roi de Lahore ne s'en est prévalu que contre celles des nations voisines dont les Anglais n'avaient pas stipulé l'indépendance. Il a étendu ses conquêtes a tout l'Himalaya depuis les bords du Sutledje jusqu'au Caucase indien. Maître de tout le Pundjâb entre cette rivière et l'Indus, ses armées ont passé ce fleuve et envahi Paishaan, Deïra, Gharu-Khan, et saisi quelques grands débris de la monarchie afghane. »

 

Et cette longue lettre d’éloges du Général Allard (dont nous faisons grâce à nos lecteurs de l’intégralité) se termine par une requête fort bien rédigée :

 

« J'ai pensé qu'il se sentirait rapproché de notre patrie s'il en recevait un signe de souvenir. Il est une faveur qui, je crois, le comblerait de joie et qui me paraît être la véritable récompense due par le gouvernement français à sa noble carrière : c'est un grade supérieur dans l'ordre de la Légion d'honneur, auquel il appartient déjà comme simple chevalier.

Persuadé, monsieur le gouverneur, que vous partagerez mon opinion sur les droits de notre compatriote à la bienveillance d'un gouvernement vraiment national, c'est à votre équité et à votre patriotisme que je confie ses titres. J'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien les porter à la connaissance de celui de MM. les ministres dans les attributions duquel il vous semblera que doit tomber la tâche agréable de reconnaître le mérite distingué et modeste de M. Allard. Il ignore entièrement la démarche que je fais : sa modestie me l'interdirait, s'il la savait. J'ose espérer que vous lui accorderez tout votre appui, et, dans cette confiance, le succès m'en paraît assuré.

Veuillez agréer, monsieur le gouverneur, l'expression de la considération très-distinguée avec laquelle j'ai l'honneur d'être votre très humble et très obéissant serviteur. »

 

On comprend mieux l’admiration que Victor porte à Allard en lisant une lettre antérieure de Victor : « Au mois d'août 1830, mes recherches m'avaient conduit, par delà l'Himalaya, sur les confins de la Tartarie chinoise, à trente journées de marche au delà des divers postes anglais dans ces montagnes. C'est là, dans les solitudes désolées du Thibet, où je me sentais isolé du reste du monde et où je m'en croyais oublié, que je reçus de M. Allard le message le plus inespéré; car il y a si peu de relations entre l'Inde anglaise et le Pundjâb, que je ne pouvais même supposer que mon nom lui fût connuMais il l'avait appris; il avait su l'objet de mes voyages, ma nationalité française, mon caractère public ; son patriotisme avait pris aussitôt l'initiative, et il m'écrivait avec une effusion touchante pour m'offrir tous les services que sa haute position à la cour syke pouvait le mettre à même de me rendre, si j'avais le désir de visiter le royaume du Pundjâb. Là-dessus, je commençai les démarches dont, quelques mois plus tard, après avoir achevé mes laborieuses recherches au Thibet et dans l'Himalaya indien, je recueillis le fruit, lorsque je reçus, à Loodianah, du roi de Lahore l'invitation de visiter ses États et la promesse d'une honorable hospitalité. »

 

Plus loin dans cette même lettre il ajoute : « M. Allard a dans le Pundjâb la célébrité que M. de Boigne avait dans l'Inde, il y a quarante ans. Mais M. de Boigne amassa des trésors immenses et les emporta en Europe, où ils donnèrent la mesure du pouvoir qu'il avait exercé dans ces contrées, et M. Allard, avec les mêmes occasions d'amasser de grandes richesses, est resté pauvre, et, s'il retourne en France, sa pauvreté l'y laissera obscur et inconnu. Elle est cependant un de ses titres les plus honorables, et le nom français serait moins respecté dans le Pundjâb, s'il avait choisi de devenir riche. Le roi, qui apprécie la valeur de ses services, les paye avec une munificence extreme ; mais la bienfaisance de M. Allard est encore plus grande que la générosité de Rundjet-Singh : il pensionne les blessés, les veuves, les orphelins des troupes qu'il commande, et secourt les malheureux qui ont encouru, sans la mériter, la disgrâce du prince. C'est ainsi qu'il reste pauvre.

Sa réputation a passé depuis longtemps du Pundjâb dans l'Inde; les officiers anglais n'y parlent de lui qu'avec le plus grand respect pour son caractère, et, depuis quelques années que Rundjet-Singh est regardé plutôt comme un allié que comme un rival de leur nation, cette haute considération que je leur ai entendu exprimer pour M. Allard est mêlée d'un juste sentiment de bienveillance. »

 


A SUIVRE

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9 octobre 2009 5 09 /10 /octobre /2009 09:05

Les débuts en Inde


Lorsqu’il arrive à Calcutta, Victor sait qu’un travail de longue haleine l’attend. Il sait aussi qu’un naturaliste (Alfred Duvaucel, beau-fils de Cuvier) qui l’a précédé dans des conditions matérielles identiques est mort à Madras. Il veut s’entourer de toutes les précautions et commence à étudier la flore des Indes et les langues hindoustanis et du Cachemire. Pendant six mois passés à Calcutta où la colonie anglaise le reçoit avec beaucoup de bienveillance et d’intérêt, il bénéficie de tous les moyens possibles pour ses études, pour se distraire et pour se loger. Puis il remonte le Gange avec une petite caravane d’une quinzaine de porteurs et serviteurs. Cette partie de l’Inde l’intéresse peu, il la trouve très banale, peu diversifiée. C’est en remontant vers les sources du Gange dans la vallée de la Yamina qu’il fera sa première grande récolte de plantes.


Nous avons trouvé par hasard un récit assez étonnant écrit par Victor ; il raconte que lors de son séjour à Calcutta, tout au début, il est invité à un déjeuner dans une maison de la colonie anglaise. Apparemment il tombe sous le charme d’une anglaise, la fille de la maison. Il y aura un dialogue extrêmement savoureux entre cette femme et lui, sur le mariage la religion et l’argent, cette femme apparaissant hélas assez rapidement comme une femme rigide et intéressée. Mais sans doute la beauté de cette femme impressionna-t-elle Victor qui prit le soin de retranscrire, quelques heures après, ce dialogue qui forme un magnifique morceau de théâtre, véritable morceau choisi ! Le texte est trop long pour être ici publié, mais c’est un vrai régal que ce dialogue dans lequel une femme prend de haut notre Victor qui finit dans une extraordinaire finesse de mots par se moquer d’elle.


Si au bout d’un an, il inquiète le Muséum qui ne reçoit aucune pièce de sa part, il a déjà acquis une solide réputation dans la colonie anglaise de toutes les Indes du nord et celle-ci va se faire un devoir de l’aider du meilleur moyen possible pour lui permettre l’exploration de cette partie ouest des Indes. Déjà Wallich, puis Royle, directeurs de jardins botaniques en Inde, explorent activement la flore locale. Il se différenciera toutefois des Anglais par une étude sur le terrain. Il va donc gravir les montagnes, subir les nuits glacées et les journées torrides, dormir sous la tente, escalader et forcer ses serviteurs à en faire de même, ce qui est parfois l’objet d’épisodes pittoresques ; il ne compte pas ses chutes de cheval ou autre. Tous ces détails sont régulièrement contés dans l’abondante correspondance à ses amis ; à son père d’abord à son frère Porphyre, à sa cousine Zoé, à Monsieur de Tracy, à Chaper, à Stendhal, à Mérimée, à Jussieu, à Monsieur de Charpentier… Il collecte les plantes, note les associations végétales, vérifie comme l’a fait Humboldt l’influence de l’altitude sur l’aspect des végétaux, des arbres en particulier : le Cedrus deodara et l’Aesculus indica, Pinus longifolia.


Levé à 6 heures du matin, parfois plus tôt, il marche, il chevauche, il note, il collecte et il s’intéresse autant à la botanique qu’à la géologie, science débutante à cette époque. Les minéralogistes s’étonnent et n’ont pas d’explication rationnelle à la présence de fossiles marins au sommet des montagnes et en particulier dans la vallée du Spiti. Il ne cesse de comparer la flore de l’Himalaya à celle des Alpes qu’il a bien étudiée et trouve une remarquable similitude d’adaptation des plantes himalayennes à l’altitude ; les espèces différentes adoptant les mêmes aspects morphologiques dans ces conditions extrêmes.




C’est le 11 mai 1830 qu’il découvre une pivoine blanche qui n’est pas connue du monde occidental. Il la nomme « Paeonia alba », il la prélève pour son herbier et la décrit dans son catalogue. C’est le premier botaniste à l’avoir décrite en latin, à avoir noté son carpelle unique et jamais son nom n’est cité à propos de l’histoire de la découverte de cette pivoine nommée « Paeonia emodi » par Wallich et Royle. De ses premiers contacts avec les contreforts de l’Himalaya dans le Kédar Kanta, il collecte environ 600 planches d’herbier.


Après une période de repos à Simla, où il est accueilli par son ami anglais, le capitaine Kennedy, il repart vers le Tibet dans la vallée du Spiti et le Ladak où il atteindra l’altitude de 5500 mètres. Il voulait atteindre l’altitude où s’arrête la végétation. Il fera également une relation entre l’altitude maximale de la végétation qui varie avec la latitude. Arrivé en Chine, par effraction, il fera le coup de feu avec quelque garde frontière qu’il effraiera.

 

 

Voyage au Punjab et rencontre avec le Général Allard


Revenu à Delhi, pour mettre en ordre ses écrits, ses collections et ses notes, il obtiendra l’autorisation d’aller dans le Cachemire et le Pendjab qui n’est pas encore conquis par les Anglais et où règne le prince mogol Ranjit Singh que nos lecteurs connaissent depuis la série d’articles que nous avions publiée sur le Général Allard.

 

En effet dés 1830 les rapports entre Londres et Paris changent. Et en ce qui concerne l’Inde le nouveau roi de la France, Louis-Philippe, est un très ancien ami de Lord William Bentinck, alors Gouverneur du Bengale. Victor obtint ainsi la permission de Bentinck pour visiter Lahore en 1831. Jacquemont fut bien accueilli par Allard, personnage qui va vite impressionner notre jeune savant. Jacquemont était très impressionné par la fonction d’Allard dans la cour de Lahore et c’était lui qui envoya en 1832 la première lettre officielle au sujet des généraux au Pendjab. Dans cette lettre, il recommanda même au Roi de la France qu’Allard, ancien Capitaine de la Cavalerie et Aide-de-camp du Maréchal Brune soit promu officier de la Légion d’Honneur. Allard fut promu par Louis-Philippe et la décoration lui fut envoyée de Paris.

 


A SUIVRE

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7 octobre 2009 3 07 /10 /octobre /2009 08:58

L’exploration de l’Amérique du Nord


En automne 1826, pour combattre son désespoir, Victor fait d'abord un premier voyage d'exploration en Amérique du Nord avec une recommandation du marquis de La Fayette, un ami proche de la famille et introduit dans la société américaine.


Ses biographes ont eu de la difficulté à reconstituer entièrement ce voyage, car Jacquemont n’a pas tenu de journal. On s’est basé sur les lettres qu’il a expédiées à sa famille et à ses amis pendant son voyage, et aussi sur les impressions d’Amérique qu’il a évoquées plus tard aux Indes dans sa correspondance. Les dates et les localités relevées sur les herbiers qu’il a constitués et qui se trouvent aujourd’hui à Montréal aident toutefois à préciser son itinéraire. On sait ainsi qu’il remonta le fleuve Hudson le 13 août 1827 et qu’il ira à Niagara. Il sera aussi à Montréal (il fera des récoltes sur le Mont-Royal, bien connu par certains de nos lecteurs), puis au lac Champlain. Les botanistes québécois soulignent aujourd’hui encore la pertinence et le détail des observations que Victor consignaient dans son herbier.


Après une première exploration de l’Amérique, il séjourne chez son frère Frédéric à Haïti. Il y rencontre le professeur Cordier, et c’est lui qui va lui transmettre la proposition des administrateurs du Jardin des Plantes d’un voyage en Inde. Victor accepte et regagne Paris pour préparer ce voyage qui le rendra célèbre. Il se rend à Londres, contacte la Compagnie des Indes et s'intègre dans la bonne société londonienne. Il obtient facilement les autorisations nécessaires à son voyage auprès de la Compagnie des Indes à Londres. Il regagne la France pour embarquer à Brest le 26 août 1828 à bord de La Zélée.


Le départ pour l’Inde


Quand Victor Jacquemont quitte Paris ce 10 août 1828 en direction de Brest, d’où il doit embarquer sur la Zélée pour se rendre à Bombay, il sait qu’une grande aventure débute dont il espère des découvertes et la gloire ; il sait qu’il ne reverra pas certains de ses amis et ses parents, il ne pense pas revenir avant 5 ans voire plus, et il ignore bien sûr le tragique destin qui sera le sien. Il vient de quitter son vieux père, Venceslas Jacquemont, fort âgé et fatigué.


Après une traversée de 8 mois, il fait escale au Cap où il rencontre le capitaine Jules Dumont d’Urville (1790-1842) qui rentre de son premier tour du monde après un long séjour en Polynésie. Pour la petite histoire, en 1837, Dumont d’Urville se verra confier le commandement de cette même goélette « La Zélée ».


Victor accoste l’île Bourbon (aujourd’hui La Réunion) en janvier. Il séjourne chez un riche colon à qui il a été recommandé par son amie Madame Ramond. Il s'offusque contre la barbarie de l'esclavage qui y est pratiquée par la bourgeoisie créole. Un violent cyclone s'abat sur l'île les 10 et 11 février 1829 détruisant toutes les récoltes, engloutissant dans les flots ou brisant sur les côtes plus de vingt navires. La Zélée est malmenée mais reste à flot. Des réparations importantes sont nécessaires, laissant à Victor le temps d'apprécier les beautés de l’île Bourbon.


Les réparations terminées, Victor poursuit sa mission et embarque pour Pondichéry, puis pour Calcutta où il arrive le 5 mai 1829. Parti en août 1828, avec une subvention insuffisante (6 000 F), il attendit vainement à Calcutta durant sept mois un supplément de subsides qu'il avait sollicité du gouvernement français.


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5 octobre 2009 1 05 /10 /octobre /2009 08:45

Quelle vie étonnante que celle de Victor Jacquemont (1801 – 1832) !

On l’a surnommé le Schubert de la botanique car comme Schubert il ne vécût que 31 ans. Botaniste il fut oui, mais il était aussi médecin et minéralogiste. Une vie courte mais pleine de science et avec bien sûr l’Inde où il se rendit en exploration et où il passa les trois dernières années de sa vie avant d’être emporté par un abcès du foie.


Pour ceux de nos lecteurs qui n’auraient pas lu nos articles sur le Général Allard, nous les invitons à le faire car une partie importante de ces articles sur Victor Jacquemont est consacrée à la visite qu’il fit à Lahore et où il rencontra le Général Allard et Ranjit Singh.


Mais, on le verra, Victor ne fut pas qu’un scientifique. On a retrouvé les lettres qu’il écrivît lorsqu’il était en Inde et celles-ci témoignent de son talent pour l’écriture. Victor, qui  fut l’ami de Stendhal et de Mérimée, écrivait remarquablement et fréquemment et si sa vie est connue aujourd’hui c’est grâce à la correspondance très fournie qu’il entretînt avec ses amis.


Victor est le plus jeune des quatre enfants de Frédéric-François Wenceslas Jacquemont de Moreau (1757-1836) et de Rose Laisné. Ce dernier dut renoncer à son titre de noblesse après la nuit du 4 août. Il fut membre du Tribunat avant de devenir directeur général de l'instruction publique. Son engagement républicain et sa participation à la conspiration du général Claude François de Malet contre Napoléon lui valurent d'être emprisonné et banni par l'empereur. Il transmit à son fils Victor son esprit aventurier, sa curiosité et sa vivacité d'esprit, son goût pour la justice ainsi que sa passion pour la lecture et les idées des Lumières. Il lui offrit de solides études au lycée impérial, aujourd'hui lycée Louis-le-Grand et au Collège de France.


Bachelier en 1822, Victor Jacquemont mène en parallèle des études de médecine, de géologie et de botanique avec René Desfontaines, auteur de L’Herbier du Muséum d’Histoire naturelle de Paris et professeur de botanique de renom de l'époque. Avec ses amis Adrien de Jussieu (dont le père est professeur de botanique) et Adolphe Brongniart, il fonde la Société Naturaliste de Paris. Son implication l’amène à faire des voyages d'exploration botanique en région parisienne, dans le midi, dans le nord de la France, en Belgique, dans les Cévennes et dans les Alpes. Il suit même une formation particulière au Muséum d'histoire naturelle avec le minéralogiste Alexandre Brongniart, le paléontologue Geoffroy Saint-Hilaire, et le grand Georges Cuvier.


Les échecs amoureux


Travailleur acharné le jour, cet amateur de musique fréquente les salons la nuit. C'est ainsi qu'il se lie d'amitié profonde avec Stendhal (né en 1783) qui lui soumettait ses écrits avant impression, et avec Prosper Mérimée (né en 1803). Il y croise Alexandre Dumas (né en 1802) et fait la connaissance d'Adélaïde Schiassetti, célèbre cantatrice italienne de l'époque dont il tombe éperdument amoureux mais qui semble plus proche de son ami Stendhal.
Victor Jacquemont, ami intime de Stendhal et Mérimée, a donc été amoureux d’Adélaïde Schiassetti, comme il le fut de Judith Pasta. Mais sa grande passion fut Mme de Lavenelle, femme d'un espion possédant 40.000 francs de rente et qui avait charge de rendre compte aux Tuileries des actions et propos du général de Lafayette. Le portrait que nous en a laissé Stendhal n'est cependant pas du tout pas flatteur : « C'était une femme sèche comme un parchemin, sans nul esprit, et surtout sans passion. Elle ne pouvait être émue que par les belles cuisses d'une compagnie de grenadiers défilant dans le jardin des Tuileries en culottes de Casimir blanc ». Voilà qui est sèchement dit !

Comme nous l’avons dit Victor et Stendhal étaient amis ; Stendhal a laissé une description de son ami Victor : « Ce Jacquemont est un jeune homme de beaucoup d'instruction et d'esprit ! Outre la botanique, il cultive encore la géologie et la minéralogie. Il est fort en chimie ; il a été l'un des préparateurs du cours de Thénard. C'est un grand jeune homme, sec et voûté. Il a bien 5 pieds 8 pouces, il est d'une santé frêle et est, de plus, menacé de phtisie. Il a la vue faible, mais sa physionomie est fine et spirituelle. Sa mémoire est heureuse et fournie d'une multitude de mots plaisants, de chansons- parades, etc. Il nous amusait beaucoup quand il nous récitait la fable du Corbeau et du renard en jargon moitié anglais, moitié français. »

Victor était assurément un curieux personnage qui ne se livrait pas facilement et qui ne cherchait nullement à briller ; mais il n’hésitait pas à dire les choses. Prosper Mérimée raconte l’anecdote suivante : «
il avait beaucoup lu, mais jamais en vue de se former le style. Jamais l'idée d'offrir au public ses pensées et ses impressions ne lui était venue à l'esprit ; je crois même qu'il y répugnait complètement. De sa part, il n'y avait ni orgueil ni modestie; mais s'adresser au public lui eût paru aussi étrange que de parler de ses affaires à un inconnu. Je me souviens qu'à propos d'une scène d'amour dans un roman qu'on trouvait belle, quelqu'un disait que l'auteur avait si bien réussi parce qu'il racontait une aventure qui lui était arrivée : « Que penseriez- vous, dit Jacquemont, d'un chirurgien qui ferait une préparation anatomique de sa maîtresse, et l'exposerait dans le cabinet de l'Ecole de médecine? » Chacun se récriant d'horreur, Jacquemont dit que l'anatomiste valait pourtant mieux que l’homme de lettres : « Le roman de celui-ci n'apprendra à personne à faire l'amour, tandis que la femme disséquée sera utile aux étudiants. »


A SUIVRE

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30 septembre 2009 3 30 /09 /septembre /2009 13:08

Dans quelques jours nous démarrerons la publication d'une série d'articles sur Victor Jacquemont, un brillant botaniste et savant français que ses recherches mèneront en Inde au début du XIX° siècle.

Ce n'est pas le premier article que nous écrivons sur ces français qui ont laissé leurs marques en Inde, mais en ce qui concerne Victor Jacquemont, nous pouvons dire que c'est la personnalité qui nous a le plus séduit !

Brillant et fin esprit, Victor fut l'ami de Stendhal et de Mérimée, et tout scientifique qu'il fut, ses nombreux écrits, essentiellement sa correspondance avec ses amis, dénotent d'un grand talent littéraire.

Rien n'est jamais écrit d'avance, même pour les grands esprits, et l'Inde sera fatale à Victor puisqu'il mourra à 31 ans d'un abcès du foie à Bombay.

Prosper Mérimée eut le grand mérite de rassembler et de faire publier sa correspondance qui constitue à la fois une oeuvre scientifique et une oeuvre littéraire.

Voilà ce que vous découvrirez en plus détaillé en lisant l'histoire de Victor.

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29 septembre 2009 2 29 /09 /septembre /2009 10:06

Jean-Baptiste Tavernier (1605 – 1689) est un marchand et un pionnier du commerce avec l’Inde.


Fils et neveu de géographe il découvre très tôt le goût des voyages et à 16 ans il a déjà visité l’Angleterre, l’Allemagne et les Pays-Bas. Dans ses mémoires il écrira : « Je puis dire que je suis venu au monde avec le désir de voyager. Les entretiens que plusieurs sçavans avoient avec mon père sur les matières de géographie qu’il avait la réputation de bien entendre et que tout jeune que j’estois j’écoutois avec plaisir, m’inspirèrent de bonne heure le désir d’aller voir une partie des païs qui m’estoient representez dans les cartes où je ne pouvais alors me lasser de jetter les yeux..."


De 1630 à 1633 il fera un long voyage en Orient qui le mènera à Constantinople, en Arménie, à Bagdad, Malte et en Italie.


Son deuxième grand voyage se passe en 1638 en Perse et en Inde ; à Agra il est présenté à la cour du Grand Moghol, Shâh Jahân et découvre les mines de diamants (Golkonda). Il comprend immédiatement le parti qu’il peut en tirer et achète ses premiers diamants indiens.


Il s’installe à Gollonda afin d’étudier les mines de la région. Passionné par les diamants, il nota les techniques d’extraction, leur taille, leur polissage tels que pratiqués en Inde à cette époque. Il nota que le commerce des diamants avait lieu en silence. En conséquence, il décrivit le langage secret des commerçants pour évaluer leurs chiffres d’affaires. Ayant appris que Goa était le centre du commerce des perles, il se déplaça dans la région portugaise. Tavernier achetait des diamants, des perles, et d’autres pierres précieuses en Inde, parois directement à la sortie des mines et les revendait très cher en Europe. Ainsi il amassa une fortune colossale.


Il retournera en Inde à plusieurs reprises, de 1651 à 1668. Tavernier se bâtit une immense fortune et se fait connaître aussi bien des princes orientaux que de la cour de Louis XIV. Il est d’ailleurs présenté à Louis XIV auquel il vendra le fameux dimant « Hope » (dont nous avons déjà parlé dans l’article sur l’Inde et les diamants).

En 1669, le roi lui décerne des lettres de noblesse lui permettant d’acheter la baronnie d’Aubonne, près de Genève.


En 1676, il publia les Six voyages de J. B. Tavernier en présentant ainsi son livre : « Ecuyer baron d’Aubonne, en Turquie, en Perse, et aux Indes : pendant l’espace de quarante ans et par toutes les routes que l’on peut tenir : accompagnez d’observations particulières sur la qualité, la religion, le gouvernement, les coutumes et le commerce de chaque païs, avec les figures, le poids et la valeur des monnoyes qui y ont cours. ».

Tavernier y parle des magiciens, d’attaques de pirates, de réceptions à la cour du Grand Mogol. Il évoque les belles fêtes et la dureté des tortures. Avec ce livre, Tavernier dépeint les évènements de l’Orient du XVIIIe siècle en devenant du même coup l’un des premiers « grands reporters » de son époque. Il relate dans son livre quarante années d’observation directe à travers toute l’Eurasie. Tavernier témoigna de la construction du Taj Mahal. Il participa à des rites inconnus. A la recherche de nouveautés, il ne cessa jamais de noter et de décrire les objets qui passaient sous son regard : un éventail mécanique, un four solaire ou bien un outil permettant le calcul exact d’une prochaine éclipse.


Au moment d’écrire le livre de sa vie, Tavernier avait déjà parcouru 240 000 kilomètres. Ses ouvrages ont également le mérite d’être clairs et de fournir des informations précises. Ainsi aident-ils le lecteur dans la connaissance des monnaies en cours, des taux de change pratiqués, des différentes mesures de poids et de longueurs, et des règles douanières et commerciales.


Il fut tantôt tenu en estime, tantôt attaqué par les écrivains, intellectuels et autres confrères de son époque, tant de son vivant qu’après sa mort. Quelques uns comme Voltaire lui reprochèrent son matérialisme et son intérêt excessif pour les diamants (Voltaire estimant « qu’il n’apprend guère qu’à connaître les grandes routes et les diamants », ) quand d’autres lui rendirent hommage, à l’exemple de Gobineau, de Montesquieu, ou de Boileau.


Les dernières années de la vie de Tavernier furent difficiles au vieux globe trotteur (en grande partie à cause de la révocation de l’édit de Nantes). Ayant voyagé toute sa vie, il ne parvint pas à s’établir définitivement à Paris et reprît le chemin de la Perse par la route de Russie à l’âge de 82 ans. Deux ans après, il s’éteint à Moscou en 1689. Par sa curiosité et sa volonté de découverte, Jean-Baptiste Tavernier nous a laissé une somme précieuse de connaissances à propos de l’Orient du XVIIe siècle.

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17 septembre 2009 4 17 /09 /septembre /2009 08:21

La Révolution était survenue. En septembre 1792 il refusa de prêter le serment civique qu'elle exigeait de tous les corps de l'Etat et fut démis de ses fonctions à la Bibliothèque nationale. En avril 1793 il passa vingt-quatre heures dans les prisons de la Terreur. Il en sortit mais en décidant de se retirer du commerce des hommes, ne se voyant plus de raison d'exister autre que sa quête de connaissance : « je prêterai une main secourable à ma patrie chancelante si, alors que la faiblesse vertueuse se heurte à la perversité impudente, je lutte, pour ma part, contre l'ignorance, véritable artisan des maux de la France, par l'étude de la littérature orientale et grecque ».


Les académies sont abolies quelques mois plus tard. Retiré du monde, sans ressources, vendant ses meubles et même une partie de ses livres pour survivre, vivant « sans feu même en hiver, d'un peu de pain, de lait, de fromage et d'eau de puits », il déclare être un brâhmane, un renonçant des bords de la Seine, presqu'un mystique : « seul absolument libre ... faisant une rude guerre à mes sens, je triomphe des attraits du monde ou je les méprise, aspirant avec ardeur et des efforts continuels vers l'être suprême et parfait ... »


Ces années laborieuses et dramatiques aboutissent à la publication de la traduction latine de l'ensemble de l'ouvrage de Dârâ Shukôh avec le titre « Oupnek'hat »(c'est-à-dire Secret à garder) en deux forts volumes parus en 1801 et 1802.

Précurseur de l'anticolonialisme, il a été témoin de la défaite de la France en Inde et de la conquête par l'Angleterre. Il en a conçu à la fois une animosité grandissante au cours des années contre les Anglais et des projets de reconquête de l'Inde sur ces nouveaux dominateurs, pour rendre aux Indiens leurs droits de propriété et de prospérité, en établissant la justice dans de nouveaux modes de relations commerciales avec l'Europe. Il échafaude de tels plans politiques tout au long de sa vie. En 1803 il propose encore un plan d'alliance franco-russe pour intervenir contre l'Angleterre dans une terre aussi lointaine que l'Inde.


Avec les années, ses opinions se radicalisent et s'universalisent. Il poursuit tous les préjugés sur les races et les communautés humaines de toutes les régions du globe. Il laissera à sa mort un recueil manuscrit de textes s'échelonnant de 1780 à 1804, publié seulement en 1993, intitulé Considérations philosophiques historiques et géographiques sur les deux mondes. Il y traite principalement de l'Amérique et des peuples du Grand Nord. C'est la réfutation de tous les arguments visant à prouver une hiérarchie des peuples et des cultures.


Champion de la liberté, il accueillit favorablement les premiers jours de la Révolution française. Mais il n'accepta pas la disparition du pouvoir monarchique. Il s'emporta avec son ardeur obstinée contre la Terreur. Homme d'ordre, il était près d'accepter le gouvernement de Bonaparte. Mais il reconnut vite le despote et l'impie, dans celui qui avait ramené l'ordre intérieur à son bénéfice. Il fut réintégré à l'Académie le 3 janvier 1803. Pendant à peine un peu plus d'un an, il participa aux séances, jusqu'au jour où il démissionna, refusant de prêter le serment de fidélité que Napoléon en accédant à l'empire imposa de nouveau à tous les corps de l'Etat.

Dans sa lettre de démission adressée à Chaptal le 28 mai 1804, il en explique les raisons :

« Je suis homme de lettres, et ne suis que cela, c'est-à-dire un zéro dans l'Etat. Je n'ai jamais prêté de serment de fidélité, ni exercé aucune fonction civile ou militaire : à 73 ans, prêt à terminer ma carrière, qui a été laborieuse, pénible, orageuse, je ne commencerai pas : la mort m'attend, je l'envisage de sang-froid. Je suis et serai toujours soumis aux lois du gouvernement, sous lequel je vis, qui me protège. Mais l'âme que le Ciel m'a donnée, est trop grande et trop libre, pour que je m'abaisse et me lie en jurant fidélité à mon semblable. Le serment de fidélité, dans mes principes, n'est dû qu'à Dieu, par la créature au créateur. D'homme à homme, il a à mes yeux un caractère de servilité auquel ma philosophie indienne ne peut s'accommoder... »


Cette lettre est son testament. Il s'éteignit quelques mois plus tard le 19 janvier 1805.


Cette personnalité qui aimait l'homme mais se heurtait à presque tous les hommes, cette œuvre hors du commun, n'ont pas été reçues aisément par ses contemporains. Le caractère impulsif, rude, obstiné du personnage, les écrits séducteurs mais chargés d'informations techniques et de digressions perpétuelles, la critique mordante, tout en lui présentait un abord difficile. Mais, somme toute, la République des Lettres le reçut favorablement, si l'on passe sous silence quelques querelles issues de la rivalité franco-anglaise. Il ne fut pas ignoré. Toute l'Europe cultivée l'a reconnu comme savant et l'a consulté, sachant trouver chez lui ou dans ses ouvrages une information de première main et un jugement de qualité scientifique, même après sa mort, jusqu'au milieu du XIXe siècle.

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