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29 septembre 2013 7 29 /09 /septembre /2013 17:12

La ville de Courbevoie, avec l’aide de l’Etat et de la fondation Total, vient de restaurer le pavillon des Indes, un pavillon qui a toute une histoire que voici.

Le_palais_indien-_Champ-de-Mars.jpgLe pavillon des Indes fut commandé par le prince de Galles, futur Edouard VII pour représenter les Indes britanniques à l’Exposition universelle de 1878 à Paris. Il comprend alors de deux parties symétriques reliées par une galerie et fut monté comme d’autres pavillons dans le Palais de Fer sur le Champs-de-Mars. A la fin de l’exposition les deux parties furent vendues séparément. L’une partit dans la station balnéaire de Paramé mais fut vraisemblablement détruite vers 1905 ou 1911 par une violente tempête. L’autre moitié fut transférée à Courbevoie en 1882-1883 dans le parc du château de Bécon, alors propriété du prince George Barbu Stirbei, qui l’adossa à une nouvelle maison de briques servant d’atelier d’artiste pour l’une de ses filles, le peintre George-Achille Fould. Lors du remontage du pavillon qui était facilement démontable, le rez-de-chaussée ayant une plus grande hauteur sous plafond devint le premier étage, étage noble ; l’ancien premier étage devenant le rez-de-chaussée. 

pavillon indes illustrationLa ville de Courbevoie devient propriétaire des lieux en 1951 et le pavillon est affecté avec son terrain aux services municipaux d'horticulture.

 

Début 2012, les travaux de restauration démarrent et s’achèvent en septembre dernier. Ce pavillon, encore appelé le « Taj Mahal » du 92, est désormais restauré et ouvert au public.

 


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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 19:45

Piveron de Morlat.

Mémoire sur l’Inde (1786) (Les opérations diplomatiques et militaires françaises aux Indes
 pendant la guerre d’Indépendance américaine)

Nous signalons à nos lecteurs la parution de ce nouveau livre de Jean-Marie Lafont et qui ravira tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'Inde.

visuel-couv.jpgL’intervention militaire française aux Indes (1778-1785) que décrit le Mémoire de Piveron de Morlat est contemporaine de la guerre d’Indépendance américaine, dans laquelle la France s’est engagée avec Rochambeau et La Fayette. Il s’agit alors de frapper l’Angleterre aux deux sources de sa puissance : l’Amérique du nord, d’où l’empire tire ses forces humaines, et l’Inde où il puise ses richesses.

Procureur général au Conseil supérieur de Pondichéry, Piveron veille aux intérêts des Français après l’occupation britannique de 1778. Nommé agent de France auprès d’Hayder Ali, régent du Mysore (actuel État du Karnataka), il prépare l’arrivée de la flotte de Suffren et du corps expéditionnaire de Bussy. Il contribue à l’accession au trône de Tipou Sultan et l’accompagne dans la reconquête de ses territoires jusqu’à assiéger les Anglais dans Mangalore, en mai 1783. Mais la paix entre la France et l’Angleterre impose bientôt une nouvelle donne. À contre-coeur, Piveron assiste le sultan dans la signature d’un traité avec l’ennemi. Rentré en France, il rédige en 1786 pour le maréchal de Castries, ministre de la marine et des colonies, ce présent document de 450 pages, riche d’informations de toute première main sur les opérations diplomatiques et militaires françaises aux Indes de 1778 à 1785.

Une introduction et des notes précises expliquent les raisons de l’échec des Français en Inde et celles de leurs succès en Amérique du nord.

Jean-Marie Lafont est professeur de lettres classiques, docteur en archéologie grecque et docteur d’État en histoire moderne. Il a été enseignant-chercheur aux Universités de Benghazi (Libye), de Lyon 3, du Pendjab (Pakistan), et pendant vingt-trois ans (1987-2010) au Centre de sciences humaines et à l’Université de Delhi (Inde). Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire des relations entre l’Inde et la France.

 

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7 juillet 2012 6 07 /07 /juillet /2012 08:28

images.jpgLa ville de Saint-Tropez a lancé "l'année de l'Inde à Saint-Tropez". Nous saluons cette initiative qui est aussi l'occasion d'honorer la mémoire du général Allard dont l'épouse indienne est enterrée au cimetière marin de Saint-Tropez.

 

Nous avions consacré une série d'articles au général Allard, ce hussard de Napoléon, qui deviendra l'homme fort du Penjab au service du roi Ranjit Singh. Destin inattendu, presque improbable, de ce jeune capitaine héros des dernières gloires napoléoniennes.

 

Vous pouvez relire le premier des articles que nous écrivions sur ce blog :  http://www.indiablognote.com/article-26803085.html

 

L'ambassadeur d'Inde en France, Rakesh Sood, participera aux cérémonies qui auront lieu à Saint-Tropez le 20 juillet prochain.

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21 juin 2011 2 21 /06 /juin /2011 10:27

Tout était donc préparé. Peu à peu s'amassait un formidable orage contre les possesseurs de l'Hindoustan. Quand s'ébranleraient à la fois les soldats français si souvent victorieux, les Arabes du désert et le Shah de Perse; quand Bonaparte, prenant en main la direction de cette armée, paraîtrait dans le bassin de l'Indus, et qu'au premier signal notre allié Tippoo-Saheb marcherait à notre rencontre en soulevant sur son passage les populations du Midi, certes la puissance anglaise courrait de grands risques. Bonaparte le jugeait ainsi.

 
Il croyait même très rapproché le moment de l'expédition, car il envoya au Sultan de Mysore la lettre suivante : « Vous avez déjà été instruit de mon arrivée sur les bords de la mer Rouge, avec une armée innombrable et invincible, remplie du désir de vous délivrer du joug de fer de l'Angleterre. Je m'empresse de vous faire connaître le désir que j'ai que vous me donniez, par la voie de Mascate ou de Moka, des nouvelles sur la situation politique dans laquelle vous vous trouvez. Je désirerais même que vous puissiez envoyer à Suez ou au grand Caire quelque homme adroit qui eût votre confiance, avec lequel je puisse conférer. »

 

Il ne s'agissait plus cette fois de propositions ou de secours illusoires. C'était le général en chef d'une redoutable armée qui, de lui-même, proposait au Sultan l'alliance française, et déjà il se trouvait à moitié chemin de Paris à Seringapatam. Le gouvernement français, de son côté, semblait disposé à venir en aide à Tippoo-Saheb. Voici ce qu'écrivait, à la date du 20 septembre 1799, le ministre Reinhard : « il semble que cette dépêche devrait être terminée par une invitation au général Bonaparte de faire les recherches les plus profondes pour voir s'il n'y aurait pas moyen d'envoyer par terre ou par mer environ 800 hommes de son armée dans l'Inde, pour soutenir et secourir les princes Indiens qui ont commencé la guerre contre les Anglais et qui succomberont infailliblement, si des troupes européennes ne leur parviennent pas. » Certes le farouche ennemi de l'Angleterre aurait tressailli d'aise et d'espérance en recevant et cette lettre de Bonaparte et ces promesses du Directoire, mais, quand elles arrivèrent à destination, la mort l'avait déjà frappé (4 mai 1799), et la fortune de l'Angleterre l'emportait de nouveau dans l'Hindoustan.

 

Comment les anglais ont manoeuvré


Les Anglais avaient presque souri de mépris quand ils eurent vent des projets français. Un passage aux Indes par l'Egypte leur semblait impossible. Aussi n'avaient-ils pris d'abord, pour s'y opposer, que de simples mesures de précaution. Un seul des directeurs de la Compagnie, Dundas, pressentit la réalité du danger. Il exprima si vivement ses craintes que 5 000 hommes, bien disciplinés, accoutumés aux pays chauds, furent tirés de Gibraltar, du Portugal, du Cap de Bonne Espérance, et envoyés en Hindoustan. L'escadre anglaise de l'Océan Indien reçut aussi des renforts avec l'ordre de défendre les abords du golfe Persique. Comme on ignorait la destination définitive de l'armée française, la Compagnie en arriva bientôt à exagérer sa peur comme elle avait exagéré sa confiance, mais il faut reconnaître que ses alarmes pouvaient en partie se justifier. Si, en effet, le gouvernement

français réussissait à faire passer dans la mer Rouge quelques bâtiments de transport, si la flotte française des îles Mascareignes allait à leur rencontre, si même Bonaparte réussissait à se procurer en Egypte assez de bâtiments légers pour faire passer rapidement 10 000 hommes de troupes choisies sur les côtes de Malabar, le danger devenait réel. Vingt ou trente jours suffiraient pour aller de Suez à Malabar. Le détroit de Bab-el-Mandeb ne présentait aucun danger, car les Anglais n'avaient encore pris possession ni d'Aden, ni de Périm, et aucun de leurs vaisseaux, n'avait encore paru dans la mer Rouge. Aussi comprend-on les alarmes de la Compagnie.

  Lord-Wellesley_17336.jpg

Wellesley venait d'être nommé gouverneur général de l'Hindoustan à la place de Cornwallis. Il était de ceux qui voulaient pousser jusqu'au bout la fortune de l'Angleterre, et pensait que la ruine définitive de Tippoo-Saheb pouvait seule assurer sa grandeur. En effet, le Sultan de Mysore était alors l'appui et l'espérance de tous les ennemis de l'Angleterre. Wellesley aurait voulu l'attaquer sur le champ. Les prétextes ne manquaient pas. Dès le mois de novembre 1798, il fit savoir au Sultan qu'il connaissait ses projets pour l'avenir et ses négociations avec les Français. Déterminé cependant, disait-il, à tout régler à l'amiable, il lui annonçait le prochain envoi à Seringapatam d'un ambassadeur muni de pleins pouvoirs. Il espérait sans doute que le Sultan refuserait de recevoir cet ambassadeur, et lui fournirait ainsi le prétexte dont il avait besoin. Tippoo-Saheb ne cherchait alors qu'à gagner du temps, car il espérait recevoir des renforts de France. Il ne répondit pas tout de suite à Wellesley, et, quand ce dernier renouvela sa proposition en janvier 1799, il continua à garder le silence ; mais en même temps il envoyait à Paris le général Dubuc, un des Français qui étaient venus de l'Ile de France, pour solliciter du Directoire l'envoi de plusieurs milliers de soldats qu'il promettait de défrayer et de quelques vaisseaux sur la côte du Malabar. Ces nouvelles décidèrent Wellesley. Il concentra son armée et entra en campagne (3 février 1799). arriva bientôt sous les murs de Seringapatam, dont elle commença le siège, bien déterminée à ne pas se retirer avant d'avoir réduit à l'impuissance le plus redoutable de ses ennemis. Tippoo-Saheb résista avec énergie.

 

Le jour de l'assaut (4 mai) il parut sur la brèche et s'y fit bravement tuer. Sa mort et la prise de Seringapatam assuraient le triomphe de l'Angleterre. Aucun prince indigène n'était désormais capable de soutenir une guerre nationale contre les envahisseurs ; et puisque les Français, malgré les avantages que leur procurait cette alliance, n'avaient pu secourir à temps le Sultan de Mysore, il était à présumer que leur intervention en Hindoustan n'aurait jamais lieu.

 

Aussi bien, au moment même où périssait Tippoo-Saheb, les Anglais remportaient en Syrie un nouveau triomphe, moins retentissant, mais dont les conséquences devaient être pour eux fort importantes : ils forçaient en effet Bonaparte à battre en retraite devant la défense obstinée, conduite par Sidney Smith, de Saint-Jean-d'Acre et à renoncer à tous ses grands projets de fortune en Orient. C'était un incontestable succès et la France était décidément vaincue en Asie. Bonaparte ne s'y trompa point. Il lui arriva souvent,napoleon-bonaparte-exil-sainte-helene.jpg même au milieu de l'enivrement de ses victoires les plus extraordinaires, de répéter à ses confidents, à ses parents même, que la levée du siège de Saint-Jean-d'Acre avait été pour lui le plus grave des échecs, car c'était en Asie, et rien qu'en Asie qu'il pouvait construire le gigantesque édifice de sa fortune.

 

Son frère Lucien, dont les Mémoires sont pleins de boutades et de révélations inattendues, écrivait en 1806, à propos de cette déception de Bonaparte, les lignes suivantes, auxquelles les événements n'ont donné que trop pleinement raison : « J'ai manqué ma fortune à Saint-Jean-d'Acre, m'avait révélé le conquérant; mais ce que je le supposais capable de regretter n'avoir pas fait en Asie me semblait plus difficile à tenter en France. Et c'est un des phénomènes les plus extraordinaires observés à notre époque d'avoir vu surgir du sein de notre Europe civilisée un homme, non seulement destructeur des libertés publiques de son pays, mais imbu de l'esprit des conquêtes de Gengis-Khan et de Tamerlan, et qui, s'il vit longtemps, finira par précipiter l'Europe sur cette Asie, objet de ses regrets, dans une guerre heureuse contre la Russie. »

 

La persistance du projet indien

 

En 1803, Napoléon fit savoir au Conte de Boigne qu’il souhaitait qu’il prenne la tête d’une armée franco-russe ; ce corps expéditionnaire devait, selon les projets de l’Empereur, accéder à l’Inde via l’Afghanistan. Le Conte de Boigne, qui avait été le général en chef des armées mahrattes de Sinthia, déclina l’offre.

 

En 1807, Napoléon tentera se signer un traité avec les Perses mais ce sera finalement un échec. Les objectifs restaient les mêmes ; gagner l’Inde par la Perse.

 

Bonaparte en effet ne cessa pas de songer à l'Asie. Il ne se désintéressa jamais des affaires indiennes, et la conquête de l'Hindoustan resta toujours dans son esprit, comme l'affaire réservée, comme la grosse entreprise qui devait être en quelque sorte le couronnement de sa carrière.

 

 

 

Sources

Paul Gaffarel. La Politique coloniale en France de 1789 à 1830

Bourienne, Mémoires, t. II, p. 187.

J. Michaud, Histoire des progrès et de la chute de l'empire de Mysore (1801).

Michel Geoffroy. Le rêve indo-persan de l’Empereur


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19 juin 2011 7 19 /06 /juin /2011 10:25

 

Le Sultan de Mysore, Tippo-Saheb, allié de Napoléon

 

Bonaparte s'occupait donc d'une ex200px-Tipu_Sultan_BL.jpgpédition dans l'Hindoustan après la conquête de l'Egypte, et même il avait déjà  choisi son allié : le Sultan de Mysore, le fils d'Haïder-Ali, le fameux Tippoo-Saheb. Tippoo-Saheb nourrissait contre les Anglais une de ces haines vigoureuses qui font les grands peuples et les grands généraux. Quelques aventuriers français que les hasards d'une carrière accidentée avaient conduits à la cour de Mysore lui enseignèrent les règles de l'art militaire. Sa conduite et ses succès pendant les guerres entreprises par son père prouvèrent qu'il avait profité des leçons de ses maîtres. A peine monté sur le trône, il résolut de reprendre contre les envahisseurs de l'Hindoustan la campagne d'extermination à laquelle il songeait depuis de longues années. Ceux de nos compatriotes qu'il avait accueillis dans son intimité l'encouragèrent dans ses projets de revendication nationale. En quelques mois ils réussirent à lui donner une armée de 150 000 hommes, dont un tiers seulement d'irréguliers, de 2 000 canons, 700 éléphants et 6 000 chameaux. Ce sont eux qui entassèrent dans ses arsenaux des armes, des munitions et des approvisionnements de tout genre ; eux qui fortifièrent à l'européenne Seringapatam, sa capitale, et en firent une redoutable forteresse ; eux encore qui le décidèrent à prendre les devants et à solliciter l'alliance française.

De Louis XVI à Napoléon

 

m503706_98ce5797_p.jpgDés 1787, Louis XVI régnait encore, le Sultan nouait des contacts avec la France. Et le Sultan envoya une délégation à la rencontre de Louis XVI.

 

La sculpture représente l’ambassadeur du sultan qui rencontrea le roi le 3 août 1788 ; cette sculpture fait partie des Colections du Musée du Louvre.

 

Louis XVI reçut avec empressement les amb220px-LouisXVI-France1.jpgassadeurs Mysoriens, et leur promit monts et merveilles; mais il sortait à peine d'une guerre ruineuse et l'état intérieur du royaume commençait à l'inquiéter. Il n'osa pas s'engager à fond dans une nouvelle entreprise et pria Tippoo-Saheb d'attendre des circonstances plus favorables. Le Sultan de Mysore, malgré le peu de succès de cette ambassade, se crut assez fort pour engager seul les hostilités et envahit le territoire du rajah de Travancore, amides Anglais (avril 1790). Lord Cornwallis, gouverneur général, dirige aussitôt contre le Mysore quatre corps d'armée. Tippoo- Saheb laisse les Anglais s'avancer, puis, après avoir concentré ses troupes, il surprend une des quatre colonnes ennemies, l'écrase et va porter la guerre au coeur même des possessions anglaises. Plusieurs villes tombent entre ses mains.
Plusieurs détachements sont exterminés. Madras lui-même est menacé. Il arrive à Pondichéry et entre en conférence avec le gouverneur français, qu'il prie de se joindre à lui. Les circonstances étaient certes favorables, mais le gouverneur n'avait pas reçu d'instructions. Il craignit de se compromettre. Il déclara donc au sultan qu'il lui fournirait tous les secours que comportait la neutralité, mais que, pour une alliance offensive et défensive, il en référerait tout de suite à son gouvernement.

 

Les victoires de Tippoo-Saheb et la possibilité d'une déclaration de guerre française avaient alarmé les Anglais. Lord Cornwallis jugea nécessaire de prendre en personne la direction des opérations. Adoptant une tactique différente, il réunit ses troupes au lieu de les disséminer, envahit le Mysore et marcha droit sur la capitale à travers mille obstacles, dont le principal était celui de subsister dans une contrée abandonnée et ravagée par les indigènes. Ils finirent par réussir à enfermer Je sultan dans sa capitale. Tout était près pour une action décisive, lorsque Tippoo-Saheb, qui sentait son trône chanceler, demanda la paix. Par la convention du 16 mars 1792, il remit aux Anglais la moitié de son territoire, leur paya une indemnité de guerre de soixante-seize millions, et leur livra ses deux fils en otage.

 

Ces revers exaspérèrent sa haine. Dès lors il ne songea plus qu'à susciter partout des ennemis à l'Angleterre. Les circonstances le servirent. La Révolution venait d'éclater en France et Louis XVI était monté sur l'échafaud. Sous prétexte de venger la majesté royale, mais en réalité pour prendre une revanche des humiliations subies dans la guerre d'indépendance des États-Unis, le ministre dirigeant la politique anglaise, Pitt, fit entrer son pays dans la coalition formée contre la France, et donna l'ordre de se saisir tout de suite des colonies françaises comme d'un gage pour la paix future. Pondichéry, Chandernagor, tous les débris de notre ancien empire tombèrent successivement aux mains des Anglais ; mais un grand nombre de Français purent s'échapper à temps et demander asile aux princes indiens. C'est à la cour de Tippoo-Saheb qu'ils furent le mieux reçus. Un ancien horloger, sachant à peine écrire, mais doué de quelques talents naturels, devint le conseil et le secrétaire du Sultan. Bon nombre d'officiers et de soldats furent appelés par lui et s'efforcèrent d'initier les Mysoriens à la tactique et à la discipline de l'Europe. Plusieurs aventuriers offrirent leurs services au sultan, mais celui-ci rêvait d’un véritable protecteur conquérant. C'était le général qui remplissait alors tout l'Orient du bruit de ses victoires : c'était celui que les  Égyptiens avaient surnommé le Grand Sultan; c'était Bonaparte en personne.

 

Les préparatifs de l’expédition vers l’Hindoustan

 

Bonaparte connaissait de réputation le Sultan de Mysore et désirait se mettre en relations avec lui. Apprenant qu'un certain Piveron, ancien agent français à Seringapatam, se trouvait en France, il écrivit aussitôt au Directoire pour l'avoir à sa disposition. « On le ferait passer aux Indes, disait- il, pour renouveler nos intelligences dans ce pays. » Quelques mois plus tard, déjà arrivé en Égypte, on lui apprend que le général Bon, commandant à Suez, a vu un Indien, sujet du Sultan de Mysore. Bonaparte écrit aussitôt au général pour lui dire qu'il a lu son rapport avec le plus vif intérêt, et, croyant avec sa promptitude d'imagination que tous ses projets vont se réaliser, et que bientôt il partira pour l'Hindoustan: « Il serait nécessaire, ajoute-t-il, que vous fissiez sonder la rade pour savoir si des frégates de l'île de France que j'attends pourraient, étant arrivées à Suez, s'approcher de la côte jusqu'à deux cents toises, de manière à être protégées par des batteries de côte. » Ces frégates étaient destinées à convoyer les navires qui transporteraient en Hindoustan la future armée conquérante.

 

Dans la pensée de Bonaparte, cette expédition devait être tentée dans un aveninapoleon-bonaparte_1.jpgr très rapproché. Il s'était ouvert de son projet au Directoire. Il avait même songé au général Bernadotte pour le charger d'une mission préparatoire auprès de Tippoo-Saheb, et ce dernier avait accepté avec empressement. « Si mes désirs à cet égard n'ont pas leur effet, écrivait-il à son ami le général Ernouf, je serai forcé d'attendre jusqu'à ce qu'il plaise au Directoire de m'envoyer sur la côte Malabar pour négocier avec Tippoo-Saheb les établissements, anglais tant sur cette côte qu'au Coromandel et au Bengale. »

 

Bonaparte se préoccupait même déjà des voies et moyens, et entrait en relations avec les puissances intermédiaires. La péninsule arabique, la seule contrée de l'Asie antérieure dont Alexandre, son modèle, n'eut pas pris possession, excitait non pas précisément ses convoitises, mais son intérêt. Il aurait voulu sinon la soumettre, au moins rattacher à sa fortune les divers souverains qui la possédaient. Deux d'entre eux surtout étaient alors connus des Européens, le shériff de la Mecque et l'iman de Mascate. Bonaparte les mit au courant de ses projets, et essaya, par ses prévenances, de se concilier leur amitié. Le 17 février 1799 il écrivait au shérif de la Mecque la lettre suivante : « Il n'y a plus un seul Mameluck oppresseur en Egypte, et les habitants, désormais sans craintes et sans alarmes, reprennent le cours ordinaire de leurs voyages, de leurs travaux champêtres et de leur commerce. Par la bénédiction de Dieu, cette paix se consolidera de plus en plus, et les droits établis sur les marchandises ou les autres taxes seront supprimés. Les droits imposés sur le commerce des marchandises sont aujourd'hui ce qu'ils étaient sous les Mamelucks; les marchands reçoivent toute sorte d'assistance et la route du Caire à Suez est ouverte et sûre. »

 

Le 25 janvier de la même année, Bonaparte avait adressé à l'iman de Mascate, dont la domination s'étendait alors non seulement en Arabie, mais encore sur les côtes africaines jusqu'à Zanzibar, une lettre conçue à peu près dans les mêmes termes : « Je vous écris cette lettre pour vous faire connaître ce que vous avez déjà appris sans doute, l'arrivée de l'armée française en Egypte. Comme vous avez été de tout temps notre ami, vous devez être convaincu du désir que j'ai de protéger tous les bâtiments de votre nation; et vous les engagerez à venir à Suez ils trouveront protection pour leur commerce. » On ne sait si ces lettres parvinrent à leur destinataire.

 

 

A SUIVRE

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17 juin 2011 5 17 /06 /juin /2011 10:23

Cela est peu connu, mais Napoléon Bonaparte s’est intéressé à l’Inde dés sa jeunesse. Il avait lu plusieurs livres sur l’Hindoustan d’alors et avait parfaitement pris la mesure de l’intérêt de l’Inde, déjà source de grande richesse pour les Anglais. On sait aussi que les rêves de conquête de l’empereur étaient nourris des exploits d’Alexandre le Grand dont les armées avaient franchi l’Indus.

 

Mais comme on va le voir l'Inde n'a pas été seulement un rêve pour l'Empereur; l'Inde rentra pleinement dans sa vision stratégique de la lutte contre les Anglais et dans ses projets de conquête.

 

Quels furent les projets de Napoléon pour l’Inde ? Envisagea-t-il sérieusement la conquête de l’Inde ?  S’agissait-il d’une invasion terrestre ou maritime ? Quels étaient les alliés possibles de Napoléon en Inde ?

 

Nous avons repris l'excellent texte de l'historien français Paul Gaffarel (1843 - 1920), texte que nous avons allégé, complété, parfois remanié et illustré.

 

On sait par les récits de Lucien Bonaparte que Napoléon s’est intéressé très tôt à l’Inde ou plutôt à l’Hindoustan.Lucien Bonaparte raconte, dans ses mémoires, que ses frères et lui se trouvèrent un jour, en février 1793, réunis à la table de famille, à Ajaccio. La conversation tomba sur la prépondérance anglaise dans les Indes. « Je n'ai jamais oublié, écrit Lucien, que Napoléon dit que c'était là un pays à faire fortune, et que, s'il n'était pas promu, et bientôt officier supérieur, ce qu'on lui avait fait espérer, il ne serait pas éloigné de songer à y prendre service.  Je lui ai entendu dire plusieurs fois dans le même temps que les Anglais faisaient plus de cas que les Français d'un bon officier d'artillerie, et qu'aux Indes les sujets distingués de cette arme sont fort rares. Au reste, disait-il, ils sont rares partout, et, si je prends jamais ce parti-là, j'espère que vous entendrez parler de moi. J'en reviendrai clans quelques années en riche nabab, et vous apporterai de bonnes dots pour mes trois soeurs. »

 

Le 9 thermidor (27 juillet1794)

 

blog-general-bonaparte-1794.jpgLe 9 thermidor marque la chute de Robespierre et ce tournant de l’histoire faillit l'arrêter net dans sa carrière. Compromis à cause de ses relations avec le parti vaincu, et relégué dans un obscur commandement qu'il ne voulut pas accepter, il tourna de nouveau ses pensées vers ces contrées orientales qui offraient une ample matière à son génie remuant et à son ambition démesurée. Le Sultan Sélim (empire Ottoman) se préparait alors à entrer en campagne contre la Russie et l'Angleterre. Il avait demandé à la France quelques officiers pour accroître ou plutôt pour réorganiser ses ressources militaires. Bonaparte songea à se faire donner par le Comité de Salut Public une mission en Turquie. La perspective d'un grand rôle à jouer dans ces contrées destinées à de gigantesques révolutions charmait son imagination ; mais, avant qu'il eût soumis ses projets à l'acceptation du Comité, il était subitement remis en pleine lumière, et, à la suite du 13 vendémiaire (5 octobre 1795), nommé général en chef de l'armée d'Italie en mars 1796.

 

La conquête de l’Egypte envisagée comme un étape vers l’Inde

 

Conquérant de l'Italie, vainqueur du Piémont et de l'Autriche, Bonaparte n'oublia jamais l'Orient. Il songea dès lors à profiter de la faiblesse de la Turquie et de son prochain démembrement pour s'emparer de l'Egypte. Encore l'occupation de ce pays n'était-elle dans ses pensées que le prélude d'expéditions plus importantes. « Je vois d'ici, écrivait-il au Directoire, la côte s'embarqua Alexandre pour la conquête de l'Egypte. » Le grand nom d'Alexandre n'était pas jeté au hasard. C'était bien sérieusement que Bonaparte songeait à renouveler les exploits du héros macédonien. Après l'Egypte la Syrie, puis l'Arabie et la Perse, enfin l'Hindoustan. Ruiner les établissements anglais et établir solidement la prépondérance française dans l'Extrême-Orient, chasser les Turcs de Constantinople et les renvoyer en Asie, grâce à un immense soulèvement des populations grecques et chrétiennes, enfin revenir à Paris en prenant l'Europe à revers, tels étaient les projets dont l'occupation de l'Egypte ne formait que le simple préliminaire. Aussi bien Bonaparte n'était-il pas l'homme de l'Asie plutôt que de l'Europe ? En Asie il y avait à conquérir, à fonder, à innover, et on agissait sur des masses énormes. On pouvait remuer les hommes par millions, et, avec quelques idées simples mais pratiques, fonder une civilisation durable. Si jamais homme eut quelque chance de réaliser une chimère aussi gigantesque, ce fut assurément le conquérant de l'Italie et de l'Egypte.

 

La préparation de la conquête de l’Inde

 

Dans la Correspondance de Napoléon se trouve la preuve de cette persistance dans ses projets au sujet de l'Hindoustan. Au moment il préparait l'expédition d'Egypte, quelques jours avant son départ pour Toulon, le 5 avril 1798, il écrivait au ministre de la guerre : « Le général en chef Bonaparte est instruit qu'il existe au dépôt de la guerre des exemplaires de l'atlas du Bengale du major Rennell et des cartes particulières du cours du Gange publiées par des Anglais. Il vous prie de les faire mettre à sa disposition : elles seront réintégrées dans le dépôt lorsqu'elles auront servi au but auquel on les destine, et j'en donnerai reçu. »

 

A SUIVRE

 

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15 juin 2011 3 15 /06 /juin /2011 10:23

napoleon-bonaparte 1C'est bien connu, l'Inde ne faisait pas partie du paysage stratégique de Napoléon qui portait la guerre en Espagne, en Egypte et en Russie.

Mais comment se fait-il que le si grand homme ait ignoré l'Inde ?

Etait-ce trop loin, était-ce non stratégique ?

 

La réalité est pourtant complètement différente.

 

Napoléon Bonaparte n'a pas du tout ignoré l'Inde !

Bien au contraire.

 

Notre prochaine série d'articles :

 

Les rêves et projets indiens de Napoléon.

 

 

bientôt sur ce blog...

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28 mai 2011 6 28 /05 /mai /2011 08:27

Cela est peu connu mais il y eut une présence québécoise aux Indes, du temps de la colonisation britannique. Et parmi eux, il faut signaler cette famille Lotbinière dont plusieurs membres viendront en Inde. La famille Lotbinière est une des familles anciennes du Québec, titulaire d’une Seigneurie, héritage importé de l’ancien Régime. Le plus célèbre des Lotbinière fut Hector Joly de Lotbinière, premier ministre du Québec (1878-1879) et gouverneur de la Colombie-Britannique (1900-1906). Son frère Edmond-Gustave (1832-1857), ses fils, Henri-Gustave (1868-1960) et Alain (1862-1944), et ses petits-fils Henri Alain (1896-1985) et Edmond (1903-1996) ont tous travaillé en Inde.

 

Nous nous arrêterons plus particulièrement sur Edmond-Gustave qui viendra à deux reprise sen Inde comme lieutenant de l’armée des Indes et qui sera tué à Lucknow lors de la fameuse Révolte des Cipayes (1857/1858).

 

Enrôlé dans l’armée britannique en 1849, il attendait le jour de son départ pour l’Inde. L’appel survint l’année suivante lorsqu’il fut envoyé à Bombay. Arrivé au mois d’août 1850, il visita Allahabad, Varanassi et Delhi avant d’être affecté une année à Jullundhur. Ses voeux seront exaucés quand il apprendra qu’il sera envoyé dans les environs de Peshawar. Durant son séjour de trois années au Cachemire il se mit à l’étude du perse. Il quitta l’Inde en 1855 pour rejoindre les forces britanniques qui entouraient Sébastopol durant la guerre de Crimée (1854-56). Mais il tombera malade et sera rapatrié en Angleterre.

 

Afin de moderniser la milice canadienne, une nouvelle loi sera adoptée en 1855 qui prévoyait l’entraînement de volontaires prêts à offrir leur service à l’empire. La milice de Québec devait servir principalement à maintenir l’ordre dans la colonie tout en préparant une force militaire capable de remplacer les troupes britanniques interpellées ailleurs dans le monde. Lorsque se déclara la guerre de 1857, la milice de Québengal-native.jpgbec se porta volontaire pour épauler les forces britanniques en Inde. C’était la première fois dans l’histoire du Québec qu’un bataillon se portait volontaire outre-mer. De retour au Canada après la guerre de Crimée, Edmond-Gustave repartit pour l’Europe où il apprit la nouvelle de la guerre en Inde. Sans attendre, il s’embarqua sur un navire qui le ramena à Calcutta.

 

Arrivé au mois d’août 1857, il voulut rejoindre son 32e régiment, assiégé à Lucknow. Dans une lettre adressée à ses parents: « Me voici enfin arrivé à la fin de ce long et désagréable voyage. Mais quelles nouvelles! Tout le Bengale est soulevé. Les Indiens ont commis des meurtres et des crimes atroces surtout contre les pauvres femmes c’est quelque chose d’atroce ce qu’ils leur ont fait endurer. Le peuple est tellement excité et agité que je me fais tout servir tranquillement. Mon pauvre Régiment est à ce que l’on croirait exterminé; l’on a pour certain les morts de 5 officiers – Toutes les femmes et enfants furent massacrées à Campore [Kanpur] où on les avait laissés pour plus grande sûreté. Les mutins sont pires que les Chinois. Ils tendent aux Indiens de l’Amérique. [...] Gare à ces canailles si je les trouve au bout de mon revolver! »

 

Le journal d’Edmond-Gustave contient de longs descriptifs de ses patrouilles durant son séjour en Inde. Dans une lettre à son père en juin 1850, il écrit « on nous fait espérer que l’hiver prochain, dans 5 mois, nous aurons une campagne dans le Caboul ou au Cachemire ».

 

Son désir de faire ses preuves dans des campagnes historiques est flagrant lorsqu’il déclare à sa mère en mai 1850: « Dans quelques mois je vais être envoyé dans une campagne; combat, gloire, honneur, voilà à quoi j’aspire. Temps heureux, Oh! Approche. Mais au lieu de ce bel avenir si c’était tout le contraire. Si au lieu d’avancer au combat; je reculais; au lieu de la gloire la honte au lieu des honneurs; la lâcheté. Mais non, à l’exaltation que j’éprouve, seulement en y pensant je ne peux pas me conduire ainsi. Impossible ».

 

Un passage intéressant du journal ajoute de la lumière sur la grandeur des guerres coloniales effectuées par l’Angleterre comme celle de l’opium. Lors de son séjour à Calcutta, Edmond-Gustave rencontra Lord Elgin, ancien Gouverneur Général du Canada, en route vers la Chine pour mettre un terme à la deuxième guerre de l’opium et forcer la signature du traité Tianjin qui en aurait légalisé le commerce. Ce commerce valait bien une guerre contre la Chine puisque l’opium servait à contrebalancer le déficit commercial généré par des importations mabe081810_lores.jpgssives de thé. L’utilisation récréative de l’opium connaissait le sort de la mondialisation coloniale, libre-échange oblige, quand l’Angleterre jouissait du monopole de production en Inde et de vente en Chine, ses canons pouvaient défendre sa diffusion. En pleine guerre de résistance, Edmond-Gustave rencontra Elgin et lui expliqua son désir de rejoindre son bataillon et de défendre l’empire. Elgin refusa de lui accorder une permission jugeant l’audace périlleuse. Malgré tout, Edmond-Gustave put se rendre à Lucknow où il mourut.

 

Au dix-neuvième siècle, il n’y avait pas de restriction à consommer de l’opium contrairement à aujourd’hui. Cette drogue gagnait en popularité pas seulement en Chine mais en Occident également. En plus, elle fut un outil indispensable de l’impérialisme. L’Angleterre en Inde, les Hollandais en Indonésie, les Américains en Turquie et les Français en Indochine ont tous utilisé cette plante payante (cash-crop) à des fins impérialistes. Après avoir consommé des cigares d’opium à Southampton, Edmond-Gustave explique candidement à son père son aventure avec l’opium en mars 1850 :

« Je suis tombé comme une masse de plomb, mes yeux se ferment et alors, chose incroyable, je fais les rêves les plus singuliers tout en entendant (tout) le bruit qui se fait autour de moi [...] Me croyant attaqué d’une fièvre quelconque, là je m’endors de nouveau, et de nouveau je fais des rêves assez agréables. [lendemain matin]. J’aipensé immédiatement que dans ces cigares on avait mis de l’opium; je suis allé chez la marchande qui m’a avoué qu’elle avait des cigares faits à l’opium, et comme ils ressemblent beaucoup à ceux que j’avais fumés par mégarde elle les avait peut-être mêlés. A l’heure qu’il est, je ne m’en ressens plus du tout, je suis même assez content car je désirais connaître quel effet l’opium a sur vous ».

 

Ce premier Lotbinière au Cachemire symbolise aussi le début de la suprématie anglaise sur le monde. Les prochains Lotbinière qui se pointeront au Cachemire aideront à consolider cet empire, non par les armes mais par la technologie.

 

 

Source

Synergies Inde n° 3 - 2008 pp. 129-140

Serge Granger - Université de Sherbrooke

Les Lotbinière au Cachemire avant la première guerre mondiale

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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 10:14

bonvin.jpgNous avons déjà évoqué dans ce blog la personnalité de Louis Bonvin, gouverneur des Etablissements français de l’Inde en 1940.

http://www.indiablognote.com/article-26347588.html

On se souvient qu’il s’était immédiatement rallié au Général de Gaulle.

 

Mais, même si les responsables français de l’Inde, tous fonctionnaires étaient proches des anglais, il leur a été demandé très tôt de se prononcer. Nous avons trouvé ce texte qui est le procès-verbal d’une réunion tenue en septembre 1940 par Louis Bonvin.

 

Le compte-rendu de cette réunion montre la difficulté de la situation dans laquelle ces fonctionnaires se sont trouvés ; et on peut saluer l’attitude claire mais compréhensive de Louis Bonvin.

 

 PROCÈS-VERBAL

 

L'an mil neuf cent quarante, le samedi sept septembre à dix heures du matin, se sont réunis dans le bureau du Gouverneur des Etablissements français à Pondichéry tous les chefs de service, les élus, et les notables de la ville. Tous avaient été convoqués individuellement par le Chef de la colonie pour entendre une communication très importante.

 

A dix heures, tout le monde étant présent, le Gouverneur Louis Bonvin ouvre la séance et procède à la lecture d'une lettre à lui envoyée par le Consul général de Sa Majesté britannique et dans laquelle le Gouvernement britannique invite le Gouverneur à se prononcer sur l'attitude qu'il compte prendre vis-à-vis du Général de Gaulle ou du Maréchal Pétain.

 

Après la lecture de ce message, le Gouverneur prononce une courte allocution. Il déclare que devant cette mise en demeure, sa décision est prise. Il se range ouvertement aux côtés du Général de Gaulle. Son geste est dicté pour éviter à l'Inde française une mainmise de son puissant voisin sur son territoire et apporter l'aide indispensable à la vie économique et financière de la Colonie, et même à la vie tout court de ses habitants.

Il a foi en la victoire finale de la Grande-Bretagne, qui libérera la France de l'oppression allemande.

Son geste n'engage que lui. Que ceux qui ne veulent pas le suivre le disent en toute liberté. Il ne leur sera fait aucune contrainte et ils pourront regagner la France ou l'Indochine à leur convenance.

 

Il demande à tous de se prononcer en Français libres et les invite à prendre la parole.

 

Monsieur Callard, Directeur de la Banque d'Indochine, se range à la décision du Gouverneur et déclare que se prononcer en faveur du Général de Gaulle signifie vouloir le relèvement futur de la France. Il ajoute également que l'intérêt de sa banque est dans une collaboration étroite avec la Grande-Bretagne. Si les fonds de son établissement sont bloqués à Londres et dans l'Inde britannique les billets de la B.I. ne vaudront plus rien.

 

Monsieur Laudrin, Trésorier-Payeur, dit que cette affaire étant politique, il ne peut, en tant que fonctionnaire, se prononcer. Il est fonctionnaire français et le restera.

 

Me David, Président de la Commission Coloniale, se lève à son tour et déclare qu'il veut collaborer étroitement avec les autorités britanniques mais qu'on ne connaît pas ou peu le Général de Gaulle. Nous voulons, dit-il, rester en rapports amicaux et étroits avec nos voisins britanniques parce que nos intérêts matériels et moraux sont autant dans l'Inde française que dans l'Inde britannique. Nous préférerons recevoir directement du Gouvernement britannique des instructions plutôt que de les recevoir du Général de Gaulle.

 

Monsieur Jouveau-Dubreuil, professeur au Collège et qui représente M. Delemar, Chef de l'Instruction publique en congé, s'inquiète de savoir, en tant que soldat de réserve, la position de son Chef militaire, le capitaine Petignot.

 

Le capitaine Petignot lui répond qu'en tant que militaire de gendarmerie, il est lié par le serment d'obéir à ses chefs, que le Gouverneur étant son Chef immédiat, il lui obéira.

 

Le Gouverneur reprend la parole. Il déclare que, si l'Indochine était attaquée par le Japon, il mettrait tous les hommes disponibles et les ressources de l'Inde française à la disposition de cette Colonie. Et ceci en plein accord avec le Consul Général britannique.

 

En ce qui concerne les usines, le Gouverneur ne cache pas aux industriels présents à la séance : MM. Valot et Ehny, que du fait du ralliement de l'Inde française au Général de Gaulle, les marchés de Madagascar, Indochine et A.O.F. risquent d'être perdus pour les exportations de textiles ce qui ne modifie en rien les faits présents. Reste le marché intérieur de l'Inde britannique disponible pour les usines de Pondichéry par suite de l'établissement éventuel de la douane maritime anglaise, dans les ports français de l'Inde. Là encore, il y aura de grosses difficultés parce que les toiles tissées à Pondichéry ne peuvent satisfaire la clientèle hindoue. Ce sont presque tous les pagnes destinés à la clientèle africaine moins raffinée. Il faudrait de ce fait modifier le matériel. Néanmoins les Anglais ont promis de faire leur possible pour que les usines travaillent au moins au ralenti ; le trafic maritime sera rétabli sur l'Indochine.

 

Monsieur Ehny, Directeur de l'usine de Modéliarpeth, est en faveur de la douane maritime, mais espère que cela sera provisoire et qu'après les hostilités, on reviendra au statu quo. Le Gouverneur lui répond que la douane serait évidemment à titre provisoire et que les industriels reprendraient leurs anciens marchés après la guerre.

 

Monsieur Verdoni, Chef du Service des Contributions, s'inquiète de savoir ce qu'il adviendra des fonctionnaires qui ne voudraient pas suivre le Gouverneur. Pourront-ils revenir en France librement ? Le Gouverneur lui répond que, dans son allocution de début, il a traité la question. Chacun de vous, dit-il, peut se prononcer en Français libre. Ceux qui veulent regagner la France ou l'Indochine pourront le faire en toute liberté et sans qu'aucune contrainte ne leur soit imposée.

 

Me David demande s'il y aura des touchées de bateau à Pondy. Le Gouverneur lui répond affirmativement. Un bateau de la British India Company est attendu prochainement dans notre port.

Me David s'inquiète de savoir si l'Inde française participera à la guerre aux côtés du Général de Gaulle. Faudra-t-il envoyer en Angleterre des hommes et de l'argent ?

Non, répond le Gouverneur, je ne le pense pas, excepté pour l'Indochine, bien entendu. D'ailleurs le Général de Gaulle ne fait appel qu'aux volontaires, et l'Angleterre n'a pas établi la conscription en Inde à ce que je sache. Elle en est même bien éloignée.

 

Me Gnanou Ambroise voudrait savoir si le gouvernement local relève désormais du Général de Gaulle. Pourra-t-il nous forcer à la mobilisation en sa faveur. Non, répond le Gouverneur, je vous ai déjà répondu à ce sujet. Me Gnanou Ambroise se déclare partisan d'une collaboration avec l'Inde britannique mais pas avec le Général de Gaulle qu'il ne connaît pas.

 

Monsieur Collard fait observer que le Général de Gaulle n'a pas formé un Gouvernement mais un Comité français qui s'adresse uniquement aux volontaires. Il n'émane de lui ni décrets, ni lois mais seulement des directives.

 

Plus personne ne prenant la parole, le Gouverneur remercie tous ceux qui ont exposé leur point de vue. Il leur demande de bien réfléchir et de prendre leur décision en toute liberté. Il insiste là-dessus. Mon geste, dit-il, n'engage que moi et moi seul en supporterai la responsabilité pleine et entière.

 

La séance est levée à onze heures un quart.

Fait à Pondichéry, le samedi sept septembre mil neuf cent quarante.

Louis Bonvin                 

 

 

 

 

Source :

http://cidif.go1.cc/index.php?option=com_content&view=article&id=170&Itemid=3

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11 avril 2011 1 11 /04 /avril /2011 06:28

Face à la puissance chinoise, les stratèges indiens comprennent qu’un armement conventionnel ne sera jamais suffisant et il ne permettra pas à l’Inde d’arriver à une parité capable de dissuader l’adversaire. L’option nucléaire, option encore taboue, s’impose donc, car elle seule créera un équilibre de la terreur, indépendant du nombre de divisions, de chars ou de combattants.


Dans un des ses discours Nehru lui-même a fait allusion à « la bombe » : « Nous devons développer l’énergie atomique, sans idée de guerre. Je pense vraiment que nous devons la développer à des fins pacifiques. Bien sûr, si en tant que Nation nous sommes contraints de l’utiliser à d’autres fins, alors aucun argument sentimental ne nous retiendra de l’utiliser à cette fin ».

Ce n’est qu’une allusion mais elle est claire.

 

Cependant, Nehru, n’a pas encore franchi, au moins officiellement, le pas. Même si des voix s’élèvent pour demander un programme nucléaire militaire, Nehru réaffirme son opposition en affirmant que « le coût et les efforts pour faire une arme nucléaire, ainsi que l’hypocrisie consistant à demander aux autres pays de les abandonner, ne justifient pas le maigre bénéfice psychologique que représenterait l’accès au rang de puissance nucléaire ».

 

Le 15 septembre 1962, le Atomic Energy Act est modifié par le parlement et ses compétences sont élargies.

 

Les Canadiens livrent à l'Inde en 1963 un réacteur de recherche à eau lourde CANDU de 40 MW thermiques, capable de produire 5 kilos de plutonium par an.  La même année l'Inde signe un contrat avec General Electric pour la construction de deux réacteurs à eau ordinaire de 210 MWe à Tarapur. Un contrat de trente ans est signé avec les Etats-Unis pour la fourniture du combustible pour la centrale.

 

Nehru meurt en 1964 et c’est Shastri qui devient premier ministre. Celui-ci essuie des débats houleux au parlement sur la question nucléaire mais conclut que pour des raisons tant morales qu’économiques, l’Inde ne s’engagera pas vers le nucléaire militaire.

 

Bhabha dut entreprendre un grand travail de persuasion pour convaincre le premier ministre de continuer à préparer le nucléaire militaire. Ils se mirent d’accord sur un programme appelé PNE (Peaceful nuclear explosives…

 

En 1964, la Chine procède à des essais nucléaires; Homi Bhabha affirme que l'Inde peut fabriquer une bombe atomique en dix-huit mois.

 

En 1965 c’est la deuxième guerre indo-pakistanaise. La même année un réacteur de recherche de 5 MWt donné par les Etats-Unis est construit à Pinstech au Nilore, au Pakistan. La capacité est augmentée jusqu'à 8­10 MWt avec l'aide de la France.

 

Le Premier ministre pakistanais, Ali Bhutto, déclare que si l'Inde développe des armes nucléaires, le Pakistan va « manger de l'herbe ou des feuilles, voire même jeûner » afin de développer à son tour un programme nucléaire.

 

Le 24 janvier 1966, Homi Bhabha est à bord du Boeing d’Air India qui le mène à New York pour une conférence internationale. Mais le destin de ce grand scientifique indien est emporté dans le crash de cet avion au-dessus des Alpes.

 

Toujours en 1966 le premier ministre Shastri meurt d’une crise cardiaque et Indira Gandhi arrive au pouvoir. Elle choisit le Dr Vikram Sarabhai pour remplacer Bhabha à la tête du programme nucléaire. Sarabhai a une aversion pour la bombe atomique et fait arrêter le programme PNE.

 

Lors d’une conférence internationale sur la non prolifération, l’Inde demande à nouveau que les puissances nucléaires renoncent à leurs armes mais en même temps l’Inde refuse qu’on la dépossède de ses droits de se lancer dans le nucléaire civil ou militaire. En avril 1968, Indira Gandhi explique qu’elle votera contre le traité de non-prolifération ; elle ajoute que l’Inde ne trouvera pas la sécurité en se lançant dans un programme nucléaire militaire.

 

Mais, malgré les ordres donnés par le président de la Commission de l’Energie Atomique, le Dr Sarabhai, un petit groupe de physiciens menés par le Dr Ramanna décide de poursuivre les travaux sur le nucléaire militaire et ils associent à ces travaux des militaires. Finalement le Dr Sarabhai se rend compte de ce qui se passe dans son dos mais laisse faire.

  prime-minister-indira-gandhi.jpg

En 1969, India Gandhi s’est imposée sur la scène politique et le Dr Sarabhai, parallèlement à ses activités à la Commission d el’Energie Atomique, a développé le programme de missiles indiens. Mais il décèdera en 1971 d’une crise cardiaque.

 

Pendant ce temps l’équipe de scientifiques autour du D Ramanna poursuit ses travaux. Il reste à mettre au point le détonateur du plutonium et surtout il faut attendre le feu vert du premier ministre. En 1971, Indira Gandhi ne cache plus son intention d’aller plus loin ce qui inquiète les canadiens et les américains.

 

1971: Guerre pakistano-bangladeshi-indienne. La répression menée par l'ouest du Pakistan aboutit à une crise dans la région, notamment à un mouvement sécessionniste dans l'est du Pakistan, qui va devenir plus tard le Bangladesh. L'Inde intervient aux côtés du Bangladesh. Les Etats-Unis envoient un porte-avions nucléaire, l'Enterprise, dans la baie du Bengale.

 

En 1972, Indira Gandhi autorise le Chairman de l’Atomic Energy Commission à aller de l’avant avec la bombe atomique. Début 1973, le Dr Ramanna et le Chairman de l’AEC rencontrent Indira Gandhi. Certains conseillers d’Indira Gandhi sont contre la bombe et contre l’essai nucléaire. Indira Gandhi laisse parler les scientifiques, ne pose pas de question et aurait simplement dit : « let’s have it » (Faisons-le !)

 

Le 2 mai 1974, à 8H05, la première explosion nucléaire indienne a lieuPokhran_Map.jpg. Cela se passe à Pokharan dans le désert du Thar. La bombe a une puissance comprise entre 8 et 12 kilotonnes soit une puissance un peu moins élevée que celle de la bombe lancée sur Hiroshima. Quelques minutes après l’explosion, les scientifiques envoient le télégramme au premier ministre "The Buddha is Smiling".

 

L’Inde devient le 6ème  pays à tester avec succès l’arme atomique.

 

Les réactions seront vives dans le monde et l’Inde lance une offensive diplomatique en continuant d’appeler ce test une "Peaceful Nuclear Explosion".

 

essai inde

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